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Comment une œuvre d’art prend-elle de la valeur ?

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Comme on peut le remarquer depuis ces dernières décennies, certaines œuvres d’art ou objets de valeur atteignent des prix vertigineux par la spéculation. Mais qui décide et évalue la valeur ? La profession ou le marché ? Et de quelle valeur parle-t-on ? Qui l’attribue ? les experts, les critiques, les conservateurs, le public…?

Il y a une génération, les conversations autour de l’art contemporain portaient le plus souvent sur la question de savoir dans quelle mesure il est vraiment de l’art. Aujourd’hui, elles portent avant tout sur les prix spectaculaires auxquels se négocient certaines œuvres. Voilà qui, au-delà des litanies d’anecdotes sur « qui a vendu quoi à qui et pour combien », appelle une réflexion plus approfondie sur la façon dont s’évaluent les œuvres d’art.

2Pour bien répondre à cette question, il faut observer, premièrement, qu’il n’existe pas « une » valeur (économique), mais une pluralité de valeurs, susceptibles de faire d’une œuvre d’art un bien ; deuxièmement, qu’il existe une pluralité d’instances de reconnaissance accordant de la valeur à une œuvre ; troisièmement, qu’il existe une pluralité des temporalités en fonction desquelles une œuvre se valorise ou pas ; et quatrièmement que, en matière de valeur marchande, l’œuvre d’art, et en particulier l’œuvre d’art contemporain, n’échappe pas à la loi de l’offre et de la demande, notamment depuis la tendance à la mercantilisation d’une partie du monde de l’art advenue dans la dernière génération. Mais ces observations ne paraîtront paradoxales que pour ceux qui croient à l’existence d’une valeur intrinsèque des œuvres.

La valeur d’une œuvre d’art à l’épreuve du temps

L’Art, de par sa majuscule que nous lui conférons volontiers, suppose déjà la grandeur. Si nous considérons l’art par rapport à la diversité de ses productions au fur et à mesure des siècles, il est illimité : les oeuvres d’art sont trop nombreuses pour être dénombrées. Cette production d’oeuvres dure depuis toujours et ne s’achèvera sans doute jamais : elle constitue une succession de strates empilées à travers l’histoire. L’ensemble des oeuvres d’art forme un vaste champ de culture transmis et conservé de générations en générations. Cette culture artistique prend de la valeur à mesure qu’elle résiste à l’épreuve du temps. Au bout de plusieurs générations, les oeuvres d’art sont conservées précieusement, restaurées si besoin est. L’art doit être gardé; il a besoin d’un cerbère, d’un conservateur de musée, d’un vaste lieu pour être consommé afin de garantir au marché de l’art sa valeur.

Le pouvoir du nom

La notoriété d’un artiste aura toujours un impact indéniable sur la valeur d’une œuvre d’art. Le prestige mondial de l’artiste, ses critiques et sa popularité sur le marché jouent un rôle crucial. Dès qu’un artiste bénéficie d’une reconnaissance officielle ou remporte un prix, son œuvre est évaluée à un prix supérieur.

La technique employée

Il faut se rendre à l’évidence, il existe bel et bien une hiérarchie parmi les techniques picturales. La peinture à l’huile l’emporte sur toutes les autres, y compris le pastel et l’aquarelle. C’est le malheureux dessin aux fusain ou crayon graphite qui est dominé par toutes les autres. Tout comme la sculpture de marbre l’emportera sur la céramique ou encore la terre. Cette hiérarchie est basée sur la complexité de la maîtrise des matériaux. Maîtriser toute la complexité chimique de la peinture à l’huile ainsi que la mécanique de ses matériaux est indubitablement plus difficile que la maîtrise du processus aqueux de l’aquarelle, entre autre.

La valeur de l’œuvre d’art dépend donc de sa capacité à nous confronter aux innombrables contradictions internes à l’art. L’art est une perpétuelle scène de ménage entre deux extrêmes : du fini dans l’infini, un prénom dans l’innommable, un éternel va et vient entre le dehors et le dedans. Il détient le pouvoir de faire surgir le mouvement de ce qui est inerte. C’est du chaos du sens que naît le sens. C’est de l’informe que naît la forme. L’art est un noeud où tous les fils de la vie se rattachent. Lorsqu’on veut abolir toutes ces contradictions, l’art s’enfuit. L’œuvre d’art n’est que vestige, une trace suspendue en dehors de toute trace; une trace qui disparaît en surgissant ; un fantôme, une porte ouverte, un rayon de soleil dans une pièce vide; sa lumière vient du dehors, mais nous éclaire du dedans, et cette lumière est sa valeur…

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